"Notre amour est une rue qui ne me dit plus rien..."
Elisa Point
Nous traversons souvent la ville où nous vivons avec indifférence, comme un décor où nous avons mille fois répété la même pièce sans jamais vraiment que la lumière des projecteurs se braque sur nous. Certains lieux, toutefois, éveillent en nous une étrange résonance, lieux obscurs et anonymes qui pourtant, un jour, ont été pour nous le théâtre d'un (petit) drame.
J'ai assisté un jour à la dispute d'un couple dans un centre commercial. Tels des tragédiens, ils semblaient jouer là le morceau de bravoure de leur duo amoureux tandis que les spectateurs "malgré eux" vaquaient à leurs occupations, à la fois curieux et pressés, traversant d'un pas distrait ce lieu de passage et sans âme, devenu l'espace d'un instant une "scène" de ménage. Une autre fois, j'ai vu deux amants se séparer vers midi à la sortie d'un petit hôtel discret : on aurait dit un remake d' "Une Chambre en ville" de Jacques Demy...
Il est en effet de ces endroits sensibles qui, pour banals qu'ils paraissent, occupent une position stratégique dans notre géographie intime. Lieux de rencontre et de rupture, café du premier rendez-vous, parc témoin des premières baisers, quai de gare où l'on se sépare, salle de concert où l'on se repère, lapins posés, rendez-vous manqués, serments échangés, lieux sur lesquels on revient, tels des criminels, ou qu'au contraire on évite avec soin, truffant nos allées et venues de savants détours. Lieux désertés qui nous rendent parfois la ville, à laquelle il est refusé de se refaire une virginité, inhabitable, trop habitée.
A travers les témoignages de cinq personnes, âges, milieux et sexes confondus, une carte du tendre se dessine à fleur de pierre, nous invitant à pénétrer dans la stricte intimité de ces lieux publics où des drames se jouent et se déjouent à notre insu. En parlant d'un lieu bruxellois qui a une signification toute particulière dans leur parcours amoureux, dix voix s'unissent pour nous faire partager cette expérience à la fois universelle et unique qu'est la relation amoureuse, sur une toile de fond, Bruxelles, dont nous sommes invités à découvrir les "dessous".
A mi-chemin entre le témoignage et la fiction, puisque comme dit Roland Barthes une histoire d'amour n'existe que dans la mesure où l'on s'en fait le conteur, ces récits se présenteront sous une double forme.
Dans un premier temps, une narration "brute", enregistrée sous forme d'interview dans le lieu choisi.
Dans un second temps, une fiction élaborée à partir de ce matériau de base par un écrivain. Une réécriture qui donne en quelque sorte une seconde chance à l'histoire d'exister, dans l'imaginaire de quelqu'un d'autre.